Laurent Panzella

Laurent Panzella, artisan horloger, Yverdon-les-Bains

Ma perception du temps est large. J’ai toujours aimé l’histoire, les fossiles, les dinosaures. Je me sens à l’aise avec la notion de siècles, de milliers voire de millions d’années. Mais le temps nous échappe, impossible d’arrêter la trotteuse. L’avenir ? Le passé ? L’idéal serait de vivre dans le présent, mais je pense qu’il n’y a pas grand monde qui arrive à le faire. Mes nombreux voyages en Inde m’ont appris, entre autres, qu’un hindou n’a pas la même perception du temps qu’un Suisse. Elle est propre à chacun, vous, moi, nous avons tous une sensibilité différente.

Pour moi, l’empreinte du temps sur une horloge est belle. Les pendules qui ont un ou deux siècles ont une patine que l’on peut admirer à travers l’oxydation des laitons et du fer, le travail du bois, la peinture qui s’écaille. Cette patine indique que la fabrication date d’avant l’ère industrielle. Une époque où les pièces du mouvement se faisaient, l’une après l’autre, à la main, avec patience et amour. Toute une histoire accompagne l’objet et lui donne une âme.

« J’oublie que je travaille sur le temps. »

Quelque chose qui symbolise le temps ? Voir mes enfants grandir, c’est voir le temps qui passe. Quand j’entends mon fils cadet qui, tout d’un coup, tient des discours alors qu’il y a deux ans, il parlait à peine, là je me dis que le temps passe et que c’est une bonne chose ; je suis content de les voir grandir.

Il est certain que mon ressenti par rapport au temps a changé, puisque je fais ce métier depuis quinze ans. Mais ce changement est plutôt lié à mon parcours, à mon évolution personnelle. Ce n’est pas dû au fait de passer mes journées à réparer des mouvements horlogers; j’oublie que je travaille sur le temps. Ce n’est pas parce que mes pendules doivent mesurer le temps, plus ou moins précisément, que cela influe sur ma manière de le percevoir.